Bonjour à toutes et tous,
Il nous semble, après concertation avec le service juridique de la confédération notamment, qu'il y a :
- Un questionnement de fond à avoir sur la conduite à tenir vis à vis des ruptures de CESA et CAPE destinées principalement à permettre aux entrepreneur.es de bénéficier de leurs droits au chômage dans la période actuelle difficile pour l'activité et pour les revenus pour certain.es, avec l'intention de les réintégrer dès que possible ensuite dans la CAE. Il nous semble en effet qu'il pourrait être dommageable pour les CAE, dans le cas où ces pratiques se généraliseraient, de défendre les principes de solidarité nationale et de promouvoir la capitalisation des droits sociaux sur le long terme d'un côté et d'encourager de l'autre l'optimisation des droits à court terme.
- D'autres pistes peuvent peut-être être investiguées pour pallier l'absence de revenus pendant cette période sans rompre le CESA ou le CAPE : la piste évoquée par Pierre (avance en trésorerie pour les ESA / CAPE en difficulté, à la conditions qu'ils aient des chantiers reportés), les fonds de solidarité internes (cf. discussion agora), un avenant au CESA baissant la part fixe par ex. à 100 € pour passer la crise.
- Des contraintes et risques juridiques à prendre en compte, en fonction 3 cas de figures :
A. Rupture / nouvelle signature d'un CESA dans le cas d'un.e ES dans le cas où le délai des 3 ans pour devenir associé.e n'a pas été atteint. Il n'y a pas de contrindication a signer un nouveau CESA avec un entrepreneur salarié ayant déjà signé un CESA avec la CAE et l'ayant quitté après une rupture conventionnelle. En revanche, c'est au respect du délai de 3 ans pour devenir associé qu'il faut prêter attention. Comme nous l'avons indiqué dans la fiche « rupture du CESA » revue récemment, « si l'objet du CESA est identique (même activité) et que la date de conclusion du nouveau CESA n'est pas très éloignée de la date de rupture du précédent, il est prudent de reprendre l'ancienneté acquise au titre du premier contrat et ne pas faire courir un nouveau délai triennal ».
B. Rupture / nouvelle signature d'un CESA si l'ES avait déjà acquis la qualité d'associé (voir p. 6 de la fiche) : il devrait théoriquement conclure un nouveau CESA en qualité d'associé. Vos statuts ne le permettent pas forcément. Mais dans le silence de la loi et en l'absence de jurisprudence, nous préconisons que le CESA prévoie les modalités selon lesquelles sera conférée la qualité d'associé dans les meilleurs délais (prochaine AG par exemple) assortie d'une obligation de déposer une candidature au sociétariat concomitamment à la signature du contrat.
C. Rupture d'un CESA ou CAPE et nouvelle signature d'un CAPE : nous revenons là aux points d'attention déjà relayés par Sébastien, formulés dans le cadre de cette discussion Nouvelle entrée en CAPE après RC voire sociétariat :
Nous vous recommandons une grande prudence dans la signature de contrat CAPE pour des entrepreneurs ayant déjà eu un parcours en CAPE auparavant.
En effet :
1) L'objet du contrat CAPE tel que prévu à l'article L. 127-1 du Code de commerce est de permettre à son titulaire de "suivre un programme de préparation à la création ou à la reprise et à la gestion d'une activité économique". L'article L. 127-2 prévoit que le contrat a une durée de 12 mois maximum qui peut être renouvelé deux fois. Une lecture à la lettre du texte pourrait laisser à penser que plus aucun renouvellement n'est possible ensuite. Il pourrait être possible d'argumenter que ce n'est pas le même Cape qui est renouvelé mais que c'est un nouveau qui est conclu. Il pourrait être rétorqué qu'il s'agit d'un programme de préparation qui a déjà été réalisé et qui est reproductible quelle que soit l'activité. Nous n'avons pas trouvé de jurisprudence concernant des cas de Cape renouvelés deux fois mais pour des durées plus courtes que celles prévues par la loi (par exemple 3 Cape de 6 mois et il resterait 18 mois). Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le titulaire du Cape est commerçant, sinon le tribunal judiciaire.
2) Le statut social du titulaire d'un CAPE lui permet d'être bénéficiaire du régime général de la sécurité sociale, y compris pour la couverture du risque accidents du travail et maladies professionnelles (donc le régime des salariés). Il bénéficie également de l'assurance chômage (y compris l'acquisition des droits en cas de rémunération qui donne lieu à cotisation). Le Cape est déclaré à l'Urssaf (y compris son renouvellement et le cas échéant sa rupture). Il se peut donc que l'assurance chômage refuse une indemnisation à un Cape dont la durée est supérieure à 36 mois . L'indemnisation de l'accident du travail pourrait être remise en cause. Pôle emploi pourrait considérer que l'intéressé-e est un indépendant et non un salarié.Les cotisations d'indépendant pourraient être réclamées.
3) Quelle que soit la durée cumulée des CAPE conclus précédemment, la rupture d'un CESA suivie de la signature d'un CAPE pour une activité similaire exercée au sein de la même structure ouvre un risque de qualification de fraude aux Aides au Retour à l'Emploi. En effet, l'objectif de l'opération serait de provoquer un fait générateur des ARE (rupture du CESA) pour assurer le financement de la poursuite d'activité et la rupture pourrait être jugée fictive puisque l’activité poursuivie serait similaire et réalisée avec le même employeur.
En espérant que ceci pourra vous être utile. Continuons les échanges, car il n'y a certainement pas qu'une voie pour sécuriser les entrepreneurs et les CAE aujourd'hui !
Anne Claire PIGNAL, Déléguée CAE, CGScop